Note sur l’influence de S. Paul sur les Carmina Nisibena de Saint Ephrem
Une rapide incursion à travers les textes peut nous faire remarquer le lien des chants de Nisibe avec la pensée paulinienne(1). Sans doute, ces mêmes textes peuvent aussi avoir un lien avec d’autres citations scripturaires, car Ephrem évoque plusieurs textes à la fois, qu’il utilise pour brosser son tableau poétique. D’autre part, il serait intéressant de comparer ces allusions au commentaire de S. Ephrem sur les épîtres pauliniennes qui nous est conservé en arménine(2); mais cela nous mènerait trop loin.
Pour le moment, il faut me limiter à quelques thèmes qui semblent rattacher les chants de Nisibe à la théologie paulinienne; j’en choisirai deux: l’Eglise, épouse du Christ et l’œuvre rédemptrice en Jésus-Christ.
1. L’Église, épouse du Christ
Le point de départ de ce développement se trouve dans le texte de 2 Co 11,2: «Je vous ai fiancés à un époux unique pour vous présenter au Christ comme une vierge pure»(3). En faisant l’éloge d’Abraham, successeur de Vologèse(4) sur le siège de Nisibe, saint Ephrem parle des fiançailles du Christ avec l’Eglise et du rôle de l’évêque dans ces fiançailles(5):
Ecoute l’Apôtre parler de cette fiancée qu’il amena (au Christ):
J’éprouve à votre égard autant de jalousie que Dieu
C’est une jalousie spirituelle, non une jalousie charnelle.
Toi aussi, éprouve pourelle (une jalousie) pure,
Pour qu’elle sache d’où elle est, qui elle est. En toi, elle peut aimer
Jésus,
Son époux véritable. Louée soit la jalousie du Dieu saint.
Quand saint Ephrem parle de l’Eglise, il s’arrête à un aspect de la vision de saint Paul, celle de l’Eglise locale, comme cela apparaît dans les épîtres aux Thessaloniciens ou aux Corinthiens(6). Pour lui, l’Église locale est première, celle de Nisibe, d’Edesse ou de Harran; entre elles, c’est le lien d’une sœur à sa sœur ou d’une fille à sa mère(7). D’ailleurs, ce regard sur l’Église interfère avec une vision politique, car pour Ephrem, Byzance représente le salut pour l’Église de Nisibe, alors que la Perse représente tous les dangers. Quand la ville de Nisibe sera livrée au roi Shapur, les chrétiens vont partir en masse, tant l’empire byzantin s’identifiait pour eux à une incarnation de l’Église dans le monde.
A l’intérieur de ce thème de l’Église, deux aspects retiennent l’attention: les chrétiens sont le nouveau peuple de Dieu; le rôle de l’évêque dans l’Église.
Dans la tradition partistique en général et syriaque en particu-lier, on prit l’habitude de distinguer entre le peuple de Dieu et les nations(8), distinction qui trouve sa racine dans la pensée paulinienne, soit dans le livre des Actes soit dabs les épêtres aux Romains et aux Galates(9). Le peuple (°amô) juif ayant fait défection, les nations (°ammê) sont désormais le nouveau peuple de Dieu et c’est à elles que les promesses de Dieu ont passé. Cette manière de réfléchir sur le mystère chrétien de l’Église était illustrée par des considéraitons sur le rejet du peuple juif, ce qui provoquait ici ou là un antijudaïsme dont témoignent les Actes du Concile de Nicée et plus encore les Codes de Théodose (438) et de Justinien (553). Je dis cela pour décharger un peu s. Ephrem de ce qu’on a appelé «son antijudaïsme virulent» ou «sa vision unilatérale par rapport aux juifs»(10). Sans doute, il y avait chez lui un caractère ardent et impétueux qui l’empêchait de ménager ses adversaires et de considérer les ennemis de l’Église comme les ennemis de Dieu(11); il y avait aussi la situation de l’Église de Nisibe où l’influence juive était si forte qu’elle coûtait aux chrétiens des sévices de la part du roi de Perse, et qu’elle attirait les chrétiens à suivre les pratiques judaïques et en particulier la fête de Pâques(12). La désunion dans la jeune Église de Nisibe et son manque de cohésion autour de son évêque risqueraient de la faire disparaître comme il arrivera par la suite aux églises de langue syriaque qui faibliront plus par le fait de leurs dissensions internes que par le fait de l’occupant étranger(13).
Dans cette ligne, Ephrem parle des nations qui deviennent les nouvelles tribus de Dieu, avec leur nouveau prêtre Melchisédech; tout ce qui fut dit par les patriarches à propos du peuple juif
trouve son accomplissement dans l’Église, nouveau peuple de Dieu à qui passent les prérogatives de ceux qui ont été infidèles à l’Alliance. Et comme Dieu s’occupait de son peuple, ainsi s’occupera-t-il de la jeune église de Nisibe qui revient à lui dans la pénitence. Il faudrait ajouter aussi, que si Ephrem a suivi saint Paul en poussant ses prémises jusqu’au bout et en recourant aux propos des prophètes si critiques à l’égard d’Israël, il a suivi aussi l’Apôtre quand il montre que Dieu n’a pas rejeté définitivement son peuple. En effet, il montre que la volonté de Dieu avait besoin d’un peuple qui livrerait son Fils à la mort; en fait, ce fut le peuple juif, mais cela pouvait être un autre peuple(14). De plus, à la fin des temps, Israël sera sauvé, puisque, avec les anges et les aramérns, il sera appelé à louer le Père et le Fils (C Nis 67/19).
Quant au rôle de l’évêque dans l’église, Ephrem le développe dans les hymnes qui parlent des évêques de Nisibe ou dans celles où il s’adresse à l’évêque Vitus de Harran. Dans ces hymnes, nous avons l’écho des épîtres pastorales de S. Paul: quelques notes suffisent à montrer le souffle qui anime ce diacre syrien. L’évêque a la responsabilité du troupeau de Dieu et de son peuple(15); il est la colonne(16) de la vérité(17) et l’homme de la foi(18); il s’orne des qualités nécessairs(19) afin que son ministère soit sans tâche; il n’a pas peur de défenre ses brebis contre les loups(20) en s’attaquant aux enseignements erronés(21) qui se propagent dans l’Église, laissant de côté les controverses stupides et les discours vains(22). Ainsi, par son appel, il sera un serviteur de Dieu comme les patriarches ou les prophètes de l’Ancien Testament(23); par sa parole et sa vie(24), il sera l’imitateur de Jésus-Christ(25). En effet, si le Christ est pasteur, l’évêque, lui aussi est pasteur; si le Christ est l’épaux de l’Église, l’évêque est en même temps l’épaux de l’Église au nom du Christ et celui qui amène l’épouse à son épaux. Et le zèle qui animait S. Paul à l’égard de l’Église de Corinthe, Ephrem veut le retrouver dans les évêques de Nisibe et de Harran.
2. L’œuvre de la rédemption en Jésus-Christ
Le premier thème était celui de l’Église, peuple de Dieu; le second, c’est celui de la rédemption en Jésus-Christ; là aussi S. Ephrem, dans ses chants de Nisibe, rejoint S. Paul. Sans doute, ne faut-il pas s’attendre à retrouver les développements théologiques que l’Apôtre des gentils a poussés de manière logique. Ce diacre de Nisibe et d’Édesse peut négliger la doctirne élaborée, mais il insiste sur l’image et les faits et il redit par des touches simples ce que Paul avait dit avec sa manière imprégnée de la dialectique grecque. Dans cette ligne paulinienne, Ephrem développe le double aspect de la rédemption: l’œuvre opérée par le Christ sur le calvaire(26), mais également celle qu’il accomplira à la fin des temps, lors de la parousie et la résurrection glorieuse des corps(27). A travers la partie édesséenne des chants de Nisibe, j’insistera sur la place de la croix dans l’œuvre du salut et sur l’universalité de la rédemption.
La croix tient une place importante dans l’œuvre de S. Ephrem. Il parle souvent du crucifié (zqîfô), de la crucifixion; pour lui, tout bois (qaysô) rappelle celui de la croix (slîbô)(28). Dans l’une de ses nombreux hymnes où il met en scène les forces du mal, nous regardons dans quel état se trouve la mort à la croix du Christ et nous l’écoutons parler:
De son antre, la mort regarda,
Surprise, Notre-Seigneur en croix.
Où es-tu, toi qui ressuscites (les morts)?
Tu viens me nourrir, remplacer Lazare.
Son goût est encore dans ma bouche.
Que la fille de Jaïre vienne voir ta croix!
Que le fils de la veuve te regarde, lui aussi!
Adam a été pris par le bois;
Bénie la croix qui me prend le fils de David! (C Nis 41/13).
Cette croix est pour S. Paul force et faiblesse, scandale pour les juifs, folie pour les païens, mais puissance et sagesse pour ceux qui sont appelés (1 Co 1, 18-25). Signe d’opprobre pour le Christ (Ga 3, 12-13; 6,14), elle est aussi signe d’exaltation après l’humiliation de la mort qui a assuré la victoire sur les forces du mal (Ph 2, 5-11). S. Ephrem suit cette ligne, montrant la faiblesse du Christ dans sa nature humaine, puisque ses ennemis arrivent à le condamner(29), que Satan essaie sur lui toutes ses armes avant de se réjouir de l’heure de sa mort et que le schéol se prépare à faire la fête pour recevoir cet important butin(30). Mais cette faiblesse est en fait le moyen de racheter la nature humaine en la revêtant, et de vaincre le mal(31); car cet état même est le point de départ de la puissance de la croix victorieuse du Christ. La mort dit:
Jésus vint; par sa croix, il me vainquit(32)
Et dans un refrain, les fidèles chantent:
Gloire à toi. Par ta croix, tu vainquis le Mauvais!Et par ta résurrection, la mort (C Nis 38/R)!
On remarque dans cette atmosphère une vocabulaire qui parle de combat, de victoire et de défaite, d’illustres victorieux et de malheureux captifs(33). De plus le thème de la descente au schéol est une manière imagée de montrer la victoire de Jésus sur les forces du mal, ramenant par sa croix tous les hommes contenus en Adem(34).
Ce salut en Jésus-Christ, Ephrem l’exprime par des mots qu’on trouve dans la tradition paulinienne. On a d’abord l’emploi des prépositions qui insistent sur le lien entre le Christ et les hommes(35). La préposition «metul / pour» et «holf / à cause de» se lisent dans les refrains suivants:
Gloire à toi. Tu as souffert pour tous les hommes.
Pour tous tu as goûté la mort
Afin de les ressusciter tous (C Nis 64/R).
Gloire à toi, Seigneur de tous les hommes.
Pour tous, tu mourus et ressuscitas
Afin de les sauveur au jour de ta venue (C Nis 55/R).
Gloire à toi. Par ton sacrifice, tu punis celui qui nous humilia.
Tu mourus à la place de tous
Afin de les ressusciter tous (C Nis 67/R)(36).
A côté de ces prépositions, nous rappelons quelques verbes tels «°ah$î / faire vivre», «nah$em/ressusciter» ou «aqîm/faire se lever».
Louange à ta croix.
Par elle tu sauvas les morts du schéol (C Nis 38/R; cf. 70/R; 72/1).
Gloire au Fils. Par la voix de son cor,
Il ouvrit les tombeaux, ressuscita les morts (C Nis 73/R; cf 74/1).
D’autre verbes parlent de salut, libération et rédemption, tels «fraq/délivrer» (C Nis 52/R), «fas%î / sauver» (C Nis 74/11,7), mais aussi «afeq / faire sortir», «s
Cela nous amène à parler de la rédemption universelle. Chez Ephrem, nous pouvons lire d’une part l’universalité du péché et de la mort et d’autre par l’universalité du salut qui atteint tous les hommes.
Dans leur manière poétique, les chants de Nisibe font dire aux démons comment le mal s’est infiltré dans l’humanité tout entière. Dans l’hymne 35, ;es C Nis parlent du levain du mauvais, de son souffle qui infecte la nature de tout homme; tous les hommes furent tentés par Satan, même Moïse; tous ont dans leur corps le désir de la chair, sauf Jésus-Christ(38). Tous sont pécheurs - Ephrem les représente quand il demande le parodn du Seigneur et sa miséricorde (C Nis 12/7-8; 49/17) - et ils ont tous besoin de salut à recevoir dans la pénitence, sinon, ce sont les punitions temporelles (C Nis 9/1-3) en attendant les tourments éternels (cf le mot s
La déchéance totale de l’homme appelle un salut total. Exprimant cet aspect, Ephrem présente le shéol qui se vide de ses habitants (C Nis 37/2-4) et le compare au sein d’une femme qui doit livrer tous les morts qu’il garde (C Nis 37/8). D’autre part, nous rencontrons souvent le mot «kul/tout» dans deux genres d’expressions, soit pour caractériser l’action rédemptrice du Christ à l’égard de tous les hommes, soit pour renforcer un titre donné au Christ. Pour le premier cas, nous avons déjà cité C Nis 64/R, 55/R et 67/R où le mot «kul» revient dans un même refrain: tu es mort pour tous, tu es ressuscité pour tous afin de les sauver tous. Pour le second cas, Ephrem affectionne d’accoler le pronom «kul» à des participes actifs qui expriment l’activité du Christ. Jésus est celui qui sait tout, peut tout, entend tout, illumine tout et récompense tout. Il délie tous les hommes des chaînes du péché et de la mort et donne la vie à l’humanité entière, car il est le «vivificateur universel»(40).
A propos de ce salut universel en Jésus-Christ, il semble se dégager des C Nis que tous les morts avant Jèsus ont ressuscité pour écouter le message apporté par le Christ. Quant à ceux qui vivent après sa venue, le schéol n’a plus sur eux de pouvoir, mais ils peuvent rejoindre, par delà la mort, notre Seigneur dont la victoire sur les puissances du mal est toujours présente jusqu’à sa pleine manifestation lorsqu’il viendra lors de la parousie.
Telles sont quelques remarques très provisoires à propos de l’influence de S. Paul sur les chants de Nisibe de S. Ephrem. Les citations sont souvent des allusions et les thèmes sont traités de façon un peu déroutante, tant l’image enveloppe l’idée et le fait prend le pas sur le concept abstriat. Si le développement de la pensée de ce poète syriaque se laisse aller à une imagination fertile, l’enseignement théologique qu’il veut donner se lit aisément surtout dans ses refrains qui, dans une formule ramassée, présentent le mystère chrétien et chantent le Christ par des invocations nombreuses et variées qui rappellent les accents de S. Paul.
APPENDICE
Nous donnons ci-dessous la traduction de deux hymnes des chants de Nisibe. Ce recueil fut édité une première fois dans S. Ephraemi Syri, Carmina Nisibena, Ed. G. Bickell, Lipsiae 1866 et traduit en latin; puis une deuxième fois dans des heiligen Ephraem des Syrers, Carmina Nisibena, I et II, éd. E. Beck (CSCO vol. 218 et 240) et traduit en allemand (CSCO vol. 219 et 241), Louvain 1961 et 1963. Cette traduction que nous présentons est le fruit de la collaboration entre monsieur l’abbé Claude Navarre, prêtre à Saint-Médard (Paris 5°) et moi-même.
L’hymne 35 est le premier d’un groupe de huit hymnes qui ont pour thème: Notre-Seigneur, la Mort et Satan; et pour mélodie: la corne et la trompette. Dans cet hymne, Ephrem personnifie le Schéol et le Diable qui forment une coalition pour lutter contre Notre-Seigneur; mais ils seront vaincus une première fois et ils préparent unautre plan d’attaque. Ce texte s’inspire du récit des tentations (Mt 4, 1-11 et de Lc 4, 1-13 où il est dit que le diable s’éloigna de Jésus attendant une autre occasion), de nombreux textes évangéliques, et d’autres textes pauliniens.
L’hymne 65 fait partie d’un autre groupe de dix-sept hymnes qui ont pour thème: Satan et la Mort; et pour mélodie: ô Mort, ne t’enorgueillis pas. Dans cet hymne qui est le quatorzième, Saint Ephrem présente un dialogue entre la Mort et l’Homme; celui-ci affirme le fait de la résurrection et cherche à le prouver; mais la Mort reste sceptique, en attendant de comprendre la puissance de Dieu.
Hymne 35
Thème: Notre Seigneur, La Mort et le Diable
Mélodie: La corne et la trompette.
R. Gloire à toi, Seigneur,
Mauvais t’a vu, la crainte l’emplit.
1. Une voix cria, ils s’assemblèrent et vinrent
Les armées du diable et ses serviteurs.
Toute l’armée de la zizanie(1) se réunit.
Ils avaient vu Jésus, vainqueur.
Malheur pour la gauche(2)!
Pas un qui n’en fut tourmenté
Chacun raconta ce qu’il souffrit.
Péché et Schéol furent effrayés.
Les morts se rebellèrent,
La Mort trembla
Les pécheurs se rvoltèrent,
Le Diable vacilla.
2. Péché appela, fit conseil à ses fils,
Aux diables et démons il dit:
Légion(3), le chef de vos escadrons n’est plus:
La mer l’a avalé ainsi que ses compagnons,
Fils, prenez garde!
Ce Jésus vous perdra. Honte à vous.
Vous avez pris Salomon dans vos filets,
Mais ses disciples vous discréditeront;
Gens simples(4) et pêcheurs de poissons
Ils pêchent des hommes(5)
Qu’ordinairement nous prenons.
3. Quel grand malheur,
S’écria le Diable, à cause de notre sauveur.
Nous dépouiller n’est [as assez.
Il fait représailles,
depuis Jonas, fils de Mathaï(6).
Il fait représailles,
Le prit, le jeta à la mer.
Trois jours après
Jonas émergea monta (à terre).
Les mois passèrent,
Légion ne revint pas.
Sur l’ordre divin,
Les prodondeurs de l’eau le retiennent.
4. A la fin de son jeûne, j’invitai Jésus;
Il n’écouta pas la fascination du pain.
Malheureux, je me penchais sur le psaume
Pour le captiver par le psaume.
Quelle peine!
Ce fut vain.
Sur la montagne, j’offris les richesses.
Leurs séductions n’agirent pas sur lui(7).
Quel bonheur, le jour d’Adam!
Sans grands efforts lui me suivit.
5. Inutile d’insister, dit le diable,
Ce Jésus me rend oisif.
Publicains, prostituées vont à lui(8).
Que faire, moi le maître de la terre?
De qui être disciple?
Péché reprit:
Il me faut partir, changer de ce que je suis.
Depuis que le Fils de Marie est venu(9),
Les hommes sont créatures nouvelles(10).
6. Insatiable, la Mort se lamentait:
Jamais je n’avais tant jeûné.
Jésus parle, regroupe les hommes(11);
Pour moi, son repas est jeûne
Un homme me ferma la bouche(12)
Moi qui à tous fermais la bouche
Il musèle mon avidité, reprit Schéol;
Avec nous il fait disparaître la faim,
Il change l’eau en vin(13)
Et les morts en vivants(14).
7. Dieu fit le déluge pourtant(15).
Lava la terre, de ses péchés la purifia,
Le feu et le souffre appliqua(16),
Blanchissant ses impuretés.
Par le feu, me donna Sodome,
Par le déluge m’apporta les héros(17)
Il ferma la maison de Sennachérib(18).
Et ouvrit la porte du shcéol.
Quel délice!
La justice (divine) me procure des morts,
La bonté du Fils leur donne vie.
8. J’ai vu les prophètes et les justes,
Dit le Diable à ses amis.
Malgré la force de leurs actions,
Mon odeur imprègne les hommes:
Un levain qui pousse l’humanité.
Jésus a vêtu le corps d’Adam.
Il troubla notre ferment:
Notre odeur n’est pas en lui.
Il est Dieu et homme,
divinité mêlée à l’humanité(19).
9. Adam est une fontaine
D’où jaillirent tous les hommes.
Je connais ses enfants,
Je les ai sondés.
Aucun n’est Dieu et homme mélangé.
Moïse rayonnant de lumière(20)
je l’ai tenté.
Sa langue s’est troublée(21).
Mais ce Jésus
je n’ai pu agiter ses pensés:
Il est fontaine limpide et pure.
10. En tout être gît le désir de chair(22).
Le corps repose, le d ésir veille.
Celui qui, éveillé, est pur,
En rêve je l’émeus, j’agite le limon.
Eveillé ou endormi
au plus secret de chacun
J’agis. Seul, lui, demeura pur:
Jusqu’au rêve, je ne pus le troubler.
Son sommeil même est limpide et saint.
11. Différent fut son enfance
Des enfants que j’ai vu.
En lui, rien ne m’appartient.
Enfant il me faisait peur.
J’ai poussé Hérode(23)
A le supprimer avec d’autres:
il m’échappa.
Ma crainte grandit,
il percevait notre secret.
Des Mages, il accepta l’offrande
et partit.
Il se moqua de nous, évita notre glaive.
12. Les enfants des justes
Les nourrissons des chastes
Encore dans le sein, je les ai sondés.
Notre levain(24) est en eux:
Coléreux, médisants, méchants, envieux.
Seul l’enseignement(25)
en fait des fruits mûurs et doux
Lui, encore nourrisson,
est fruit doux et délicieux
Adoucissant les pécheurs.
13. Emmailloté, déjà il enseignait,
Rayonnant de splendeur sur les hommes.
Le prêtre qui le porta s’émerveilla(26),
Il était paré de la sagesse des anciens.
Avec crainte Joseph le regardait;
Avec lui, modeste, Marie se tenait.
Tout jeune, il était aide à qui le voyait,
profit à qui le connaissait.
Le jour de sa naissance,
ses exploits secoururent les hommes.
14. D’où me vient le Fils de Marie,
Vigne dont le vin n’est pas ordinaire?
Je suis perplexe, ses paroles m’inquiètent,
Elles apaisent mon amertume(27).
Le harceler, le presser encore
Je crains qu’il ne devienne
Vin nouveau(28) pour les pécheurs
qu’ils s’y abreuvent et oublient leurs idoles.
15. Je crains deux choses:
Sa mort et sa vie.
Les serviteurs du Diable donnèrent leur avis:
Deux issues, mais l’une nous plaît:
Optons pour sa mort plutôt que sa vie.
Mort peut nous dire
si un juste est ressuscité(29):
Fils de héros, hommes fameux,
Au schéol affamé
aucun n’a échappé.
16. De l’homme j’explore l’esprit,
Mais qui peut sonder(30) le Fils de Maris?
Il a pleuré(31),
ses larmes m’ont trompé.
Je lui ai demandé:
«du temple, jette-toi»(32)
J’ai cru qu’il avait peur de sauter.
Mais, jeté de la montagne,
Il vola(33).
Fatigué, il s’assit au puits(34).
Incompréhensibles transformations,
Il marche sur terre comme sur l’eau(35).
17. Il a faim(36) comme tout homme,
La pain qu’il multiplie lest rassasie(37).
Dès les débuts, j’observe;
Tel un ignorant, je pose des questions.
Tout cela fut néant! Il connaît nos secrets
Il choisit l’Iscariote comme s’il ne savait pas,
Mais il montra qu’il le connaissait
Il va, il vient, je me fourvoie.
Il descendit, remonta, il me fit remonter.
18. Un signe remarqué en lui
M’a grandement réconforté:
Le voyant prier, je me suis réjoui,
Sa couleur a changé; il eut peur;
Sa couleur a changé; il eut peut;
Sa sueur fut sang(38):
Il sentait son jour arriver
Quelle joie!
Et s’il me trompe,
Si je suis joué encore,
Pour vous et moi, mes serviteurs,
Malheur!
19. L’armée des démons s’indigna:
Quelle horreur manifestes-tu?
Tu n’a pas toujours été ainsi.
Tu es le vainqueur aux conseils habiles.
Le fils de Marie s’empare de nos villes
Et tu perds ton temps en explication.
Levons-nous, combattons.
Honte à nous, si nombreux
d’être tenus par un seul!
Tu es souffrant, craintif?
donne-nous un conseil et laisse-nous faire.
20. Par ses paroles, Jésus même
Dit comment le battre.
Si Satan est divisé avec lui-même
il ne peut tenir(39)
Pour nous attaquer,
Il enseigne ce qu’il faut faire:
Allez, divisez ses disciples,
Désunis, vous êtes victorieux.
Par la séduction d’Eve et du serpent
J’ai vaincu le premier Adam(40).
21. Mauvais répondit à Mort:
Hésiterais-tu? Tu n’en as pas l’habitude.
Parmi les petits et les obscurs
tu fus vaillant chasseur.
Jésus, le Grand
tu n’as pu t’en emparer.
Tu crains ses flèches:
elles pleuvèrent, lors des tentations.
Sur toi et tes serviteurs.
Serions-nous trop peu
pour guerroyer le Fils de Marie?
22. Voici mon avis:
Malgrénotre désaccord
si tu acceptes
Va demeurer dans ce disciple(41):
Chef avec chefs, ils se disputeront,
envoie ton armée,
Trouble les pharisiens,
ne parle pas durement
A ton habitude:
«si tu es Dieu, jette-toi...»(42),
Avec amour, baise-le,
livre-le(43),
La jalousie et le glaive des lévites(44)
l’emmèneront de force (à la mort).
Hymne 65 des Chants de Nisibe
Ref.: Gloire à toi, après Adam tu es descendu
Des profondeurs du shcéol tu l’as tiré
En Eden tu l’as introduit.
Homme - 1. Ne rabaisse pas, Mort, l’image d’Adam(1)
Telle la semence(2) en terre, elle est pour ressusciter
Mort - 2 Cette semence dont tu parles m’étonne
Depuis cinq mille ans, elle n’a pas germé
- 3. Cette demeure s’achève comme la pluie
La résurrection engrange au grenier(3) de vie
- 4. Des vendangeurs viendront, mais qiu a vu
Des morts semés et puis moissonnés.
- 5. Mort, la moisson te dépouillera
Les anges-moissonneurs sortiront(4) tout prendre.
- 6. Suis-je cultivateur ou vendangeur
Le champ du schéol est-il pressoir?
- 7. Vois la semence perdue, corrompue(5)
Abandonnée, sons espérance vient de la pluie
- 8. Débiles, la vie des morts est un rêve
Eveillés, vous ne voyez plus de résurrection
- 9. Le sommeil t’empêche de voir
La multitude des images de résurrection
- 10. La graine revit, je le sais, mais qui a vu
Des os germer au schéol, croître et grandir
- 11. Ton discours est comme toi.
Voici Ezéchiel
Il montre dans la vallée(6)
les morts ressuscités
- 12. J’ai vu les arbres se vêtir en été
Mais les os sont jetés nus au schéol
- 13. Dans sa gloire, Moïse t’a brsié le cœur, Mort
Le fils d’Adam s’est vêtu de la gloire d’Adam
- 14. Le silence est loi au shcéol
nous le respections
Etres faibles, vous parlez, moi j’agis.
- 15. Les vieillards vivront-ils si tu les cueilles?
Celui qui défend leur vie les ressuscitera
- 16. Enfoui dans le sein, le fœtus te réfute
Image de la vie des morts, il annonce ta perte
- 17. Le fleur oubliée t’oublie, elle est abandonnée;
Est-elle perdue, elle fleurira encore
- 18. Enseveli dans sa coquille, le poussin crie.
La voix ouvrira les tombeaux, les corps se lèveront(7)
- 19. Le corps est poussin dans l’œuf
Son corps à notre corps dit la vie des morts
- 20. Mort, les sauterelles anéantissent ta course;
De la poussière elles naissent, montrant la vie des morts
- 21. Quel bonheur si la résurrection était déjà
La résurrection serait repos et non dispute
- 22. Miséricordieux, Bon et Juste est le Fils du Très-Haut
La mort d’Adam ne me sera pas reprochée
- 23. Soyez intelligents, reconnaissez
Votre père vous a imposé ce fardeau.